Page:Kempis - L Imitation de Jesus Christ, traduction Lammenais, edition Pages, 1890.djvu/162

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Mais ma bonté t’a épargné, parce que ton âme a été précieuse devant moi : je ne t’ai point délaissé, afin que tu connusses mon amour, et que mes bienfaits ne cessassent jamais d’être présents à ton cœur ; afin que tu fusses toujours prêt à te soumettre, à t’humilier, et à souffrir les mépris avec patience.

RÉFLEXION.

Il n’existe qu’une volonté qui ait le droit essentiel et absolu d’être obéie, la volonté de l’Être éternel qui a tout créé et qui conserve tout ; et de là l’admirable prière du prophète-roi : Enseignez-moi, Seigneur, à faire votre volonté, parce que vous êtes mon Dieu[1]. Cette volonté souveraine a des ministres pour rappeler ses ordonnances et en maintenir l’exécution dans la famille, dans l’État, dans l’Église ; et l’obéissance leur est due, parce qu’ils représentent Dieu chacun dans son ordre, selon les degrés d’une sublime hiérarchie, qui remonte du père au roi, du roi au pontife, du pontife à Jésus-Christ, de Jésus-Christ à celui qui l’a envoyé, et de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom[2], c’est-à-dire son autorité. Ainsi le devoir n’est autre chose que le commandement divin, et la vertu n’est que l’obéissance à ce commandement. Tout péché, au contraire, n’est, comme le premier, qu’une désobéissance, une révolte ; et l’homme est conçu dans la révolte, puisqu’il est conçu dans le péchés[3] ; d’où cette belle et profonde expression du Psalmiste : Le pécheur est rebelle dès le sein de sa mère, et livré au mal dans ses entrailles[4]. Aussi le sacrifice qui a expié le péché et réparé la nature humaine, consista-t-il essentiellement, suivant la doctrine du grand Apôtre, dans une obéissance infinie. Le Christ s’est rendu obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix[5]. Et nous, misérables créatures, rachetées par cette prodigieuse obéissance, nous refuserions d’obéir ! Nous opposerions notre volonté à la volonté du Tout-Puissant, par cet épouvantable orgueil qui a créé l’enfer, où, dans les ténèbres, dans le supplice, dans la rage et le désespoir, dans l’ignominie de l’esclavage le plus abject et le plus hideux, l’ange prévaricateur et ses complices répéteront éternellement : Je n’obéirai point ; Non serviam ![6] O Dieu, préservez-moi d’un orgueil aussi insensé, aussi criminel ! Que votre grâce m’apprenne à me soumettre à vous, et à tous ceux que vous avez préposés sur moi ! Je suis étranger sur

  1. Ps. cxlii, 9.
  2. Ephes. iii, 15.
  3. Ps. l, 7.
  4. Ps. lvii, 4.
  5. Philipp. ii, 8.
  6. Jerem. ii, 20.