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Page:Kempis - L Imitation de Jesus Christ, traduction Lammenais, edition Pages, 1890.djvu/167

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Que votre volonté soit la mienne ; et que ma volonté suive toujours la vôtre, et jamais ne s’en écarte en rien.

Qu’uni à vous, je ne veuille ni ne puisse vouloir que ce que vous voulez ; et qu’il en soit ainsi de ce que vous ne voulez pas.

Donnez-moi de mourir à tout ce qui est du monde, et d’aimer à être oublié et méprisé du siècle à cause de vous.

Faites que je me repose en vous par-dessus tout ce qu’on peut désirer, et que mon cœur ne cherche sa paix qu’en vous.

Vous êtes la véritable paix du cœur, son unique repos : hors de vous, tout pèse et inquiète. Dans cette paix, c’est-à-dire en vous seul, éternel et souverain Dieu, je dormirai et je me reposerai[1]. Ainsi soit-il.

RÉFLEXION.

Jamais satisfait pleinement de ce qu’il est et de ce qu’il possède, fatigué du vide de son cœur, toujours inquiet, toujours aspirant à je ne sais quel bien qui le fuit toujours, l’homme n’a pas un moment de vrai repos, et sa vie s’écoule dans les désirs. Ce n’est pas seulement une grande misère, mais encore un grand danger ; car la racine de tous les maux est la convoitise, et plusieurs, en s’y livrant, ont perdu la foi, et se sont engagés dans une multitude de douleurs[2]. L’imagination, qui, en cet état, se porte avec force vers tout ce qui l’attire, obscurcit la raison, ébranle et entraîne la volonté même ; et ainsi l’on doit s’attacher soigneusement à la réprimer, lors même que les objets qui l’occupent paraîtraient exempts de toute espèce de mal, et qu’on croirait ne chercher dans ses rêves qu’un soulagement permis et une distraction innocente. La piété, elle-même s’égare aisément, si elle n’est en garde contre les désirs en apparence les plus saints. Nous ne savons ni ce qui nous est bon, ni ce qui nous est nuisible. Tantôt nous souhaiterons d’être délivrés d’une croix nécessaire peut-être à notre salut, tantôt, dans un mouvement indiscret de ferveur, nous en souhaiterons une autre sous laquelle nos forces succomberaient, si elle nous était imposée. Que faire donc ? Demander à Dieu que sa volonté se fasse[3] en nous et hors de nous, y conformer la nôtre, entièrement, et ren-

  1. Ps. iv, 9.
  2. I Timoth. vi, 10.
  3. Matth. vi, 10.