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Page:Kempis - L Imitation de Jesus Christ, traduction Lammenais, edition Pages, 1890.djvu/33

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Et vous qui souffrez, vous que le monde afflige, venez aussi, venez à Jésus : il bénira vos larmes, il les essuiera de sa main compatissante. Son âme est toute tendresse et commisération. Il a porté nos infirmités et connu nos langueurs[1] : il sait ce que c’est que pleurer.

L’Imitation ne contient pas seulement des réflexions propres à toucher l’âme, elle est encore remplie d’admirables conseils pour toutes les circonstances de la vie. En quelque position qu’on se trouve, on ne la lit jamais sans fruit. M. de la Harpe en est un exemple frappant ; écoutons-le parler lui-même :

« J’étais dans ma prison, seul, dans une petite chambre, et profondément triste. Depuis quelques jours j’avais lu les psaumes, l’Évangile et quelques bons livres. Leur effet avait a été rapide, quoique gradué. Déjà j’étais rendu à la foi ; je voyais une lumière nouvelle ; mais elle m’épouvantait et me consternait, en me montrant un abîme, celui de quarante années d’égarement. Je voyais tout le mal et aucun remède : rien autour de moi qui m’offrît les secours de la religion. D’un autre côté, ma vie était devant mes yeux telle que je la voyais au flambeau de la vérité céleste : et de l’autre, la mort, la mort que j’attendais tous les jours, telle qu’on la recevait alors. Le prêtre ne paraissait plus sur l’échafaud pour consoler celui qui allait mourir, il n’y montait plus que pour mourir lui-même. Plein de ces désolantes idées, mon cœur était abattu, et s’adressait tout bas à Dieu, que je venais de retrouver, et qu’à peine connaissais-je encore. Je lui disais : « Que dois-je faire ? Que vais-je devenir ? J’avais sur une table l’Imitation ; et l’on m’avait dit que dans cet excellent livre je trouverais souvent la réponse à mes pensées. Je l’ouvre au hasard et je tombe, en l’ouvrant, sur ces paroles : Me voici, mon fils, je viens à vous parce que vous m’avez invoqué. Je n’en lus pas davantage : l’impression subite que j’éprouvai est au-dessus de toute expression, et il ne m’est pas plus possible de la rendre que de l’oublier. Je tombai la face contre terre, baigné de larmes, étouffé de sanglots, jetant des cris et des paroles entrecoupées. Je sentais mon cœur soulagé et dilaté, mais en même temps comme prêt à se fendre. Assailli d’une foule d’idées et de sentiments, je pleurai assez longtemps, sans qu’il me reste d’ailleurs d’autre souvenir de cette situation, si ce n’est que c’est, sans aucune comparaison, ce que mon cœur a jamais senti de plus

  1. Is., liii, 3 et 4.