Page:Kempis - L Imitation de Jesus Christ, traduction Lammenais, edition Pages, 1890.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Levez les yeux en haut vers Dieu, et priez pour vos péchés et vos négligences.

Laissez aux hommes vains les choses vaines : pour vous, ne vous occupez que de ce que Dieu vous commande.

Fermez sur vous votre porte, et appelez à vous Jésus votre bien-aimé.

Demeurez avec lui dans votre cellule : car vous ne trouverez nulle part autant de paix.

Si vous n’étiez pas sorti, et que vous n’eussiez pas en tendu quelque bruit du monde, vous seriez demeuré dans cette douce paix : mais parce que vous aimez à entendre des choses nouvelles, il vous faut supporter ensuite le trouble du cœur.

RÉFLEXION.

Que cherchez-vous dans le monde ? le bonheur ? Il n’y est pas. Écoutez ce cri de détresse, cette plainte lamentable qui s’élève de tous les points de la terre, et se prolonge de siècle en siècle. C’est la voix du monde. Qu’y cherchez-vous encore ? Des lumières, des secours, des consolations, pour accomplir en paix votre pèlerinage ? Le monde est livré à l’esprit de ténèbres[1], à toutes les convoitises qu’il inspire, à tous les crimes et à tous les maux dont il est le principe ; et c’est pourquoi le Prophète s’écriait : Je me suis éloigné, j’ai fui, et j’ai demeuré dans la solitude[2]. Là, dans le silence des créatures, Dieu parle au cœur, et sa parole est si merveilleuse, si douce et si ravissante, que l’âme ne veut plus entendre que lui, jusqu’au jour où, tous les voiles étant déchirés, elle le contemplera face à face[3]. Le christianisme a peuplé le désert de ces âmes choisies, qui, se dérobant au monde, et foulant aux pieds ses plaisirs, ses honneurs, ses trésors, et la chair, et le sang, nous offrent, dans la pureté de leur vie, une image de la vie des Anges. Cependant les Chrétiens ne sont pas tous appelés à ce sublime état de perfection ; mais au milieu du bruit et du tumulte de la société, tous doivent se créer, au fond de leur cœur, une solitude où ils puissent se retirer pour converser avec Jésus-Christ, et se recueillir en sa présence. C’est ainsi que, ramenés des pensées du temps à la pensée des choses éternelles, ils auront à dégoût celles qui passent, et seront dans le monde comme n’en étant pas : heu-

  1. Joan. v, 19.
  2. Ps. liv, 8.
  3. I Cor. xiii, 12.