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UN COMBAT À MINUIT

Cela suffit pour faire hâter les deux voyageurs qui marchèrent à une vitesse qui leur aurait paru impossible un moment auparavant. Mais, tout en courant, ils se décourageaient, car ils comprenaient trop bien le peu d’espoir qui leur restait si les loups étaient véritablement sur leurs traces. Sylvestre était sans armes, Cyril ne possédait que la courte épée russe qu’il avait toujours avec lui, et il n’y avait aucun village, pas même une simple cabane à plusieurs milles autour d’eux.

Entretemps la tempête diminuait. La neige tombait moins fortement et le mugissement du vent se changeait en une triste lamentation. Mais dans ce désert froid, blanc, silencieux, un autre cri, derrière eux se fit entendre, dix fois plus hideux et plus effrayant — non le hurlement long et tremblant qui est le cri naturel des loups russes, mais le hurlement perçant et affamé qui montre que la proie est découverte.

À ce moment les yeux de Cyril, parcourant désespérément le Dniéper gelé et le banc de neige, découvrirent, à mi-chemin, une masse noire placée en travers du fleuve ; il lui sembla reconnaître une hutte. C’en était une, petite c’était vrai, mais avec un troupeau de bêtes sauvages derrière soi, il ne fallait pas hésiter.

Ce fut une terrible lutte pour atteindre cet abri, car la neige, bien que moins amassée sur la glace que dans la plaine, était assez épaisse pour s’y enfoncer à chaque pas jusqu’aux genoux. Et, en avançant, au fur et à mesure qu’ils regardaient ce refuge, celui-ci semblait s’éloigner. Y arriveraient-ils jamais ?

Sylvestre qui avait accompli une lourde tâche les jours passés, commençait à ralentir ; Cyril se mordit les lèvres jusqu’au sang quand il vit son compagnon marcher moins vite, et respirer difficilement. Et dans l’immensité neigeuse, le cri des bêtes féroces approchant, se faisait mieux entendre.

Enfin ils arrivèrent à l’abri si longtemps désiré.

Ce n’était autre chose que la proue d’un de ces vastes et grossiers bâteaux dans lesquels les Russes transportent leurs ménages dans les différentes régions du pays. Ce bâteau, enfoncé si fermement fixé dans la glace, avait déjà évidemment servi de refuge à quelque chasseur, car les cendres d’un feu gisaient dans le coin le plus abrité ; une forte palissade de branches d’arbrisseaux comblant les interstices, faisait de cette proue une cabane assez confortable. Seulement les pieux, formant la porte, étaient détériorés et chancelaient ; aussi les deux aventuriers se hâtèrent-ils de la réparer avec des bûches qu’ils trouvèrent au fond de l’abri.

Il était temps, car avant que ce trou fut à demi bouché, des êtres passaient à triple vitesse, entourant la cabane. Des nuages cachaient