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CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

maintenant la lune, et l’obscurité était profonde. Les loups passaient maigres et longs, la gueule ouverte, les yeux féroces, en poussant des hurlements qui n’avaient rien de terrestre.

Tout à coup ils s’approchèrent de l’ouverture et essayèrent de la forcer. Cyril leur lança des coups d’épée à la façon du bûcheron coupant un arbre, et Sylvestre frappa sans discontinuer avec un pieu taillé en pointe. Hélas ! les bêtes horribles ne s’en allèrent point !

Mais un tel combat était trop épuisant et aurait été au-dessus de leur force si un accident heureux n’était survenu. Au moment où deux bêtes parvenaient à pénétrer dans l’abri, une lourde planche se détachant du toit, s’abattit sur eux, les prenant comme dans un piège ; et en outre les corps des deux loups roulant contre l’entrée, formèrent une barrière nouvelle contre les assaillants.

Sylvestre profita de ce délai imprévu pour faire le tour de la cabane et y trouver dans un coin une branche de pin sèche ; et pendant que Cyril assommait les loups pris sous la planche, le moine, de son silex et d’un morceau d’acier, fit prendre feu au bois de pin qui s’enflamma et qu’il brandit comme une torche flamboyante.

Les loups — dont les furieux efforts avaient à la fin renversé la planche et déplacé les corps de leurs camarades tués qui obstruaient l’ouverture — se précipitèrent à l’intérieur, plus féroces que jamais. Mais hurlants et terrifiés, ils se retirèrent instantanément, pendant que la torche tournoyait au milieu d’eux, grillant leur peau velue et brûlant leurs yeux fauves.

Beaucoup s’enfuirent sur le champ et le reste se retira à quelque distance ; il sembla, un instant, que leur crainte instinctive du feu dominerait leur férocité et les ferait se sauver.

— « Hurrah ! » cria Cyril ; « ni les hommes, ni les bêtes ne peuvent lutter contre le père Sylvestre ! »

Mais il se réjouissait trop tôt. Leur première panique une fois passée, l’appétit vorace des loups vainquit même leur couardise naturelle. Ils revinrent à la charge plus sauvagement qu’auparavant ; hélas ! la torche se brûlant de plus en plus, fondit en une pluie de cendres rouges et finalement s’éteignit tout à fait.

— « Nous sommes perdus, père », murmura Cyril, en serrant les dents de désespoir lorsqu’il vit s’anéantir le feu gardien.

— « Ne crains rien, mon enfant», répliqua Sylvestre, sans que sa voix claire et calme frémisse, « Dieu est capable de nous sauver, même maintenant s’il le veut ».

Les deux hommes parlaient peu tant ils étaient attentifs, tant ils sur-