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CYRIL AUX DOIGTS-ROUGES

Le regard féroce s’évanouit sur la figure d’Ostap et fut remplacé par une admiration embarrassée et stupéfaite. Cet homme qu’il avait tenté de tuer, refusait de le dénoncer ! Ce moine dédaignait même de mentionner une injure qui le concernait !

Mais la clémence généreuse de Sylvestre n’aidait à rien. Ce qui avait été dit déjà suffisait aux Russes pour sceller le destin des hommes.

— « Frères, » s’écria Sviatagor, « vous avez tous entendu. Que mérite ce traître ? »

Instantanément, comme le roulement du tonnerre, il n’y eut dans le silence rompu qu’un seul cri :

— « La mort ! »

— « Vous entendez », dit Sviatagor au prisonnier. « Qu’avez-vous à répondre ? »

Alors le condamné s’éleva de toute sa hauteur et relevant la tête orgueilleusement, il regarda ses juges avec un défi dédaigneux et dur.

— « Ce que j’ai à répondre ? Rien. Je ne veux pas que vous ayiez pitié de moi, et je ne vous demande rien. J’espérais rétablir, dans cette ville élue, l’ancienne dignité du Dieu de la Foudre ; et maintenant que j’ai perdu, je ne tiens pas à vivre plus longtemps. Que la malédiction de Peroon retombe sur vous ! Frappez ! »

Le coup mortel s’abattit, mais personne ne s’en aperçut, tant les spectateurs étaient stupéfaits par cette surprenante révélation ; lorsque Ostap parla de « Peroon, le Dieu de la Foudre », ses paroles jetèrent la lumière dans les esprits. Sylvestre même tressaillit en regardant l’homme mort, près de lui, tandis que la figure basanée de Cyril pâlit et ses lèvres, murmurèrent :

— « C’est Yarko, le grand prêtre de Perron ! »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Dès lors le siège de la ville commença, car les Tartares désespérant d’arriver à leur but par des stratagèmes et furieux de la découverte et de la mort de leur émissaire dont ils avaient espéré, par son aide, gagner la ville sans combattre, attaquèrent sérieusement. Ayant recours à leur nombre supérieur, ils menaçaient à la fois plusieurs points de la ville et feignaient d’attaquer tantôt ici, tantôt là, jusqu’à ce que la poignée de défenseurs, constamment sur le qui-vive, fut harassée.

Sur ces entrefaites des nuées de cavaliers tartares voltigeaient incessamment autour des murs, envoyant dans la ville, en galoppant, une