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LE MESSAGE DU FAUCON

paroles suffirent pour l’expliquer à Féodor dont la figure rayonna en entendant ces nouvelles.

Ce ne fut pas facile de retenir l’excitation des Russes en leur donnant lecture du message du faucon, et on se garda bien d’en parler à Sviatagor qui, à se voir mortellement blessé et empêché de prendre part au combat, recevrait sans nul doute le coup de grâce. Mais les soins et la patience inépuisables du moine applanirent toutes les difficultés : et pour empêcher les Tartares de se douter de la surprise qu’on allait leur faire, Sylvestre envoya, le matin suivant, leur dire que la ville leur serait rendue si dans sept jours les Russes n’avaient reçu aucune aide.

À peine l’obscurité tombait-elle sur la terre que Féodor et Sylvestre commencèrent à assembler leurs hommes ; on détruisit la barricade de la porte du fleuve pour donner libre passage. La nuit était noire et orageuse, traversée par de fréquentes rafales de pluie ; mais vers onze heures le signal désigné se montra au loin comme un éclair et la tristesse s’enfuit comme par enchantement. Alors les Russes, dévalant les pentes de la colline comme un torrent, se précipitèrent en poussant des cris effroyables, dans le camp des Tartares.

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Elle fut sauvage, cette bataille nocturne, en pleine obscurité ; et même les plus avancés ne purent jamais dire ce qu’il était arrivé. Ce n’était que des masses sombres surgissant çà et là, des cris, des rugissements, des trépignements assourdissants, des chocs d’armes invisibles maniées par des mains cachées ; et les hommes se prenaient à bras le corps dans le noir, tenant leurs lances hautes, n’osant frapper, de crainte de tuer leurs camarades.

Mais quoique les Tartares combattaient avec la sauvagerie des bêtes féroces des déserts dont ils provenaient, la bataille tourna en leur défaveur. Pris complètement par surprise, et assaillis de deux côtés à la fois, ils reculèrent pas à pas, jusqu’à ce que Vladimir et ses hommes les poussant en avant, mirent le feu au camp qui s’enflamma bien vite éclairant le pays avoisinant. Tout alors céda. Octaï Khan tomba au plus fort de la bataille, combattant jusque la dernière minute ; et lorsque le matin blanchit à l’horizon, la grande armée qui avait si longtemps assiégé Kief était disparue comme un mauvais songe.

— « Vous avez bien travaillé, mes enfants », dit le prince Vladimir se tenant vis à vis du palais et entouré de la population entière de la ville venue lui faire fête. « Tout le butin que j’ai pris sera donné aux veuves et aux enfants des braves qui sont morts pour défendre ma ville. Mais, quant à ceux-ci, » continua-t-il en serrant la main de Cyril et de Sylvestre qui se tenaient à ses côtés, « je ne pourrai jamais leur