Page:Kerigant - Les Chouans - Épisodes des guerres de l’Ouest dans les Côtes-du-Nord, 1882.djvu/148

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bretons, par suite de la violation du secret des lettres et des dénonciations, on saisissait sans jugement ; on fusillait même quelques chefs, non-seulement parmi ceux restés en armes, mais encore parmi ceux qui les avaient déposées. La crainte régnait dans les familles royalistes comme elle avait régné dans les villes en 1793 : on n’osait plus sortir ; la nuit venue, on se barricadait, comme si l’on eût dû soutenir un siège.

J’ai toujours ouï dire dans ma famille que, sans la protection de M. de Lanjuinais et de M. du Gourlay, ce dernier, je crois, président du tribunal de Saint-Brieuc, et pour lequel nous avons conservé une grande reconnaissance, mon père aurait été arrêté comme beaucoup d’autres.

Plusieurs chefs disparurent mystérieusement… Qu’étaient-ils devenus ? on n’osait même pas s’en enquérir.

Bien que je ne fusse pas encore de ce monde alors, ces faits, dont le récit a été fait cent fois en ma présence, sont restés parfaitement gravés dans ma mémoire ; j’ai même connu très particulièrement trois personnes dont l’enlèvement fut opéré de façon à faire penser qu’elles avaient été tuées, tant fut profond le secret dont leur disparition fut entourée. Ces personnes étaient : le colonel du régiment dans lequel