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rie à quarante sous l’heure. Pour moi, une bataille peinte me cause la même émotion qu’un combat de cire dans le cabinet de Curtius.

Et puis nos soldats ont le malheur d’accomplir toutes sortes d’actions héroïques dans des costumes horribles pour le peintre, non-seulement à cause de leur coupe étriquée, mais encore à cause de leurs couleurs. Ces habits d’un bleu fuligineux, ces revers d’un rouge criard, ces blancs crus, ces noirs sourds, ces pantalons garance, ces épaulettes jaunes, toutes ces couleurs hurlantes, sans qu’un seul ton intermédiaire vienne les accorder entre elles, sont répulsives et repoussantes à l’œil. Il y a de quoi mettre en fuite un troupeau de bêtes à cornes.

Ce n’est donc pas tout à fait la faute des peintres de batailles si je n’aime pas leurs tableaux. Je reconnais que MM. Yvon, Barrias, Pils, etc., sont des peintres fort distingués, mais l’influence des couleurs criardes qu’ils ont à peindre est si désastreuse, qu’elle annule leurs qualités distinctives. Dans la perpétration d’une peinture de bataille, le coloriste le plus saisissant disparaît, forcé qu’il est de subir les sauvages anomalies de ces couleurs voyantes et heurtées.