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reux. Bien plus ! elle leur transmet un talisman à l’aide duquel ils se reconnaissent entre eux et se rendent invisibles au vulgaire. L’éclat en est si perçant aux yeux doués de la faculté d’y être accessibles, qu’ils savent le découvrir partout. Dame nature a fait un cadeau de ce genre à l’un de ses amants les plus passionnés, à Corot. Corot a le talisman.

Ce qui fait que l’on admire Corot après avoir aimé ses tableaux, c’est sa constance dans son système, sa persévérance dans son originalité. Corot a su se garder de tous les entraînements, il a vu passer sans émotion, sans modifier ses croyances, tous les engouements de la mode, tous les caprices, tous les excès des écoles ; jamais il n’a cédé à la faiblesse de se dire :

— Voilà ce qui plaît, voilà la fantaisie du jour ! Essayons.

Corot est plus qu’un talent, c’est un caractère. Le mot est plus juste qu’on ne croit. Corot n’a jamais cessé d’être lui. Bel exemple et austère leçon ! Pour se maintenir ainsi, il lui a fallu une grande certitude de lui-même, une grande solidité de conviction. Lorsque les sensations viennent chuchoter à notre oreille, il faut avoir au fond de bonnes raisons pour répéter leurs sophismes. C’est