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parce que Ingres, Delacroix, Decamps, Corot sont des caractères, qu’ils sont restés de grands artistes. Le doute, l’hésitation, l’apostasie de soi-même ont fait dégénérer tant de peintres qui ont fleuri un jour pour se flétrir le lendemain !

Corot a eu cette chance qui manque à tant d’artistes, et qui lui a rendu plus facile cette persévérance méritoire : il avait de quoi vivre lorsqu’il a commencé, et il n’attendait pas après le prix de son tableau pour payer son boulanger. Quand on a de quoi vivre, on n’a pas besoin de flatter les goûts du public. On travaille et on attend. Corot avait de deux à trois mille francs de rente quand il a commencé, à une époque où un atelier coûtait cent écus de loyer ; Delacroix avait de quoi vivre. Decamps a débuté avec douze mille francs de rente.

Il est certain que cela fait quelque chose. « Pauvreté empêche les bons esprits de parvenir, » a dit Bernard Palissy. Néanmoins il s’en faut de beaucoup que tous ceux qui ont de la fortune aient du caractère.

Troyon est aussi un caractère. Depuis que je vois de ses tableaux, il marche dans la même voie.

Troyon est arrivé à avoir tout son talent, avant d’avoir toute sa réputation. Il y a dix ans, il fai-