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étrange, que l’on sent être vraie, et où je retrouve toutes les qualités de ce peintre de noble race : son entente des pâleurs, son harmonie bizarre, son éclat plein d’une farouche originalité.

Ce n’est pas tout encore. M. Delacroix expose un Enlèvement de Rébecca, plein d’une turbulence passionnée, et une Herminie chez les Bergers.

Partout, même quand il se trompe, Delacroix a de l’originalité, de la verve, la passion de l’art et une imagination dont on peut désapprouver les écarts, mais dont il faut reconnaître la puissance peu commune. Il y a je ne sais quoi de satanique dans ses créations, je ne sais quoi de fascinateur dans son exécution presque sauvage.

Victor Hugo est le seul poëte de notre temps qui puisse être dans le secret de ce génie que Shakspeare aurait si bien compris. La palette de Delacroix est riche et terrible, les tons ont une harmonie singulière qui ne se définit pas. Il faut en être saisi pour l’aimer.

Ce n’est pas avec les yeux qu’il faut le juger, c’est avec le cœur ; une âme froide ne sympathisera jamais avec ce génie qu’on appelle Delacroix.