Page:Kindt - Impressions d une femme au salon de 1859.djvu/63

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gré soi qu’ils pourraient bien s’effeuiller plus tôt qu’on ne pense, ces pâles rayons de l’adolescence. Ces jeunes filles ne sont point des héroïnes de tableaux. Non, tout le charme de ces créations délicieuse se perdrait comme un vain parfum si on leur donnait les proportions de l’héroïsme. Non, leur grâce est une grâce naturelle : elles sont jolies sans le savoir, charmantes sans le vouloir, fraîches — quelle héroïne oserait être fraîche ? — et cependant touchantes. Elles vivent, elles rêvent, elles n’aiment pas encore.

Comme contraste, voici un peintre qui ne dit rien à la pensée, qui ne fait jamais rêver, mais qui, en revanche réjouit les yeux, parle aux sens, et vous amuse comme une joyeuse musique italienne. M. Isabey est un virtuose de premier ordre ; il n’y a pas un de ses tableaux qui ne soit un véritable concert pour les yeux.

Pour les penseurs, qui aiment que l’artiste, sous l’impression directe de la nature, subordonne à l’idée le procédé manuel, M. Isabey manquera certainement de valeur sérieuse. Mais il est sans égal, aux yeux de l’amateur sybarite, qui veut que les artifices du pinceau soient la principale affaire du peintre, M. Isabey n’est point un peintre de sentiment, se fondant sur la recherche