Page:Kindt - Impressions d une femme au salon de 1859.djvu/62

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adolescentes ont déjà toute leur jeunesse qui vient d’éclore et leur beauté qui s’épanouit ; que l’artiste leur a mis dans le regard et dans le cœur cette insouciance déjà rêveuse, cette rêverie sans objet qui fait battre le cœur des jeunes filles ; ce que je sais c’est que cette Rosanera, songeuse comme la Mignon de Scheffer, cette Rosanera et ses compagnes réunissent dans leur beauté simple les grâces idéales de la plus chaste poésie à la sensuelle réalité de la vie ; c’est qu’il y a dans ce tableau une douceur, une élévation, une morbidezza méridionale, une intime assimilation du style et du sentiment qui lui communiquent non pas cet intérêt bête d’un tableau à sujet bien choisi, cet intérêt d’une anecdote racontée au pinceau, mais ce charme indéfinissable, cette saveur exquise d’un poëme de la muse sicilienne.

Cette peinture d’Hébert produit sur moi un singulier effet, que je raconte sans l’expliquer : elle me fait sourire et elle m’attendrit, elle me plaît et elle m’attriste. C’est bien le printemps, l’âme s’éveille à toutes les fraîches émotions ; tout chante, tout sourit de ce sourire ineffable de la jeunesse et de l’amour… Mais quoi ! il y a quelque chose de triste au fond de ce sourire, le souffle de la Malaria semble avoir passé par là. On rêve mal-