Page:Kindt - Pour se damner.djvu/110

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dans les larmes ; non, non, je ne pouvais rien dire, car la réalité brutale m’apparaissait comme une arme mortelle ; et sublime et généreuse, je me suis enveloppée dans ma trahison comme dans la robe de Nessus.

Jour et nuit, je t’ai aimé, j’ai pris pour te tromper mille précautions, j’ai eu mille terreurs. Moi, si libre, si fière, j’ai fait cacher mon nouvel amant dans les armoires comme une fille ayant un monsieur qui la paye ; par grand amour pour toi je t’ai attaché sur les yeux un bandeau de caresses et d’ivresses folles, alors qu’il m’eût été si facile de te mettre tranquillement à la porte. Comme les êtres trop- curieux, dans les contes de fées, détruisent les talismans qu’on leur a défendu d’ouvrir, tu viens de tout briser ; maintenant va pleurer loin d’ici, je ne te retiens plus.

Pourtant, encore un mot pour finir : l’amour est le premier de tous les sentiments, parce qu’il est involontaire ; on peut en simuler les grimaces, mais il sort