Page:Kindt - Pour se damner.djvu/84

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non, à peine nés ils sont mornes et blasés ; ce sont les dégoûtés qui ne savent rien, venus au monde tout vieux ; en tétant leur nourrice, ils n’avaient déjà plus de dents.

Et les jeunes arrivés, ceux qui pleins de talent devraient être pleins de flamme ; ah ! oui, parlez-moi de ceux-là ; ils me récitent en prose leurs volumes de vers, et à mes pieds, ils se souviennent des tirades de leurs anciennes pièces ; pas un geste vrai, jamais un mot sincère, ces Mathusalem-là font bâiller l’Amour.

— Et Gaston, et Édouard, et Charles ?

— Ils sont laids, répondit-elle avec une moue de dédain, et les laids ne sont jamais jeunes.

Eh bien, dans mes rêves fous, je me suis dit qu’un jour j’aurais un jeune à moi ; que je regarderais une tête charmante et des yeux purs, que je pourrais baigner mes doigts dans des masses de cheveux bouclés sans art, que je mettrais mes lèvres sur une barbe blonde douce comme des pétales de fleurs, que je sentirais cette ha-