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L’AME DES SAISONS


Qu’on le dirait tissu de souffles et de voix
Et que des cloches d’or y sonnent quelquefois…
Le lavabo chuchote et l’armoire s’éveille,
Les chaises, les fauteuils sournois prêtent l’oreille,
Et la lune à travers les vitres fait semblant
D’apaiser le tumulte avec un rayon blanc…
Mais toi tu n’entends pas, étant pareil aux bornes
Bombant leur front de pierre au bord des routes mornes,
Sans souci de la lune éclatante qui met
Une ombre oblique et bleue à leur masse, — n’était
Que ta poitrine, en lents mouvements, se soulève
Et que parfois aussi, sous l’étreinte du rêve,
Ta bouche expire, en s’entr’ouvrant avec effort,
Un souffle sourd où sourd une angoisse de mort…

O toi qui dors, tu ne sais pas combien est mince
Le verre de la vitre, où le gel gratte et grince,
Et qu’au delà s’étend, sans fin, de toit en toit,
L’espace bleu rempli d’étoiles et de froid…
La campagne est là-bas sous l’étoile polaire,
La campagne bleuâtre et dure, toute claire,
Avec des bandes d’ombre et d’étranges buissons,
Hérissés et tassés comme des hérissons ;
Avec le clair de lune immense, que les haies
Découpent çà et là de leurs lignes de craie ;