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LA NEIGE ET LES LAMPES


Avec la houle des labourés poivre et sel ;
Avec les chemins bleus aux ornières de gel ;
Avec le froid qui craque aux brindilles fleuries
De dentelle mortelle et d’âpres pierreries ;
Avec des prés marbrés de glace et de verglas,
Et des arbres tordant en silence leurs bras ;
Avec un braconnier à l’affût sous les saules ,
A plat ventre, le cou rentré dans les épaules,
Tenaillant le fusil dans ses poings frémissants,
Le nez bleui, la pipe aux dents, les yeux luisants,
Sous le gel qui mordille et vrille à dents d’aiguille
Et sous le firmament halluciné qui brille
D’un feu si froid et si fougueux que, par moments,
On dirait que le ciel éclate en diamants,
Et que l’on voit, à l’horizon, sous la lune ivre,
Jaillir les peupliers comme des jets de givre...

O toi qui dors, tu ne sais pas, tu ne sais pas...
Mais qu’un sursaut t’arrache au songe étrange, las !
Le songe est plus étrange, autour de toi, qui veille
Et ton cœur, inquiet des choses, s’émerveille
Du verre arborescent que la lune bleuit
Et du silence, peuplé d’ombres, qui s’enfuit...
Et puis, tu n’oses plus regarder, et farouche,
Tu te retournes en maugréant sur ta couche,