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LA NEIGE ET LES LAMPES

Les singes inégaux aux mouvantes bajoues
Qui sautent d’arbre en arbre et qui grimpent et jouent
Et s’accrochent, pareils à des enfants velus,
Aux bignones en fleur et aux convolvulus.
Il en arrive par milliers. Ils se répandent
Sur les ponts de liane. On en voit qui s’y pendent
Par la queue et, montrant les dents affreusement,
Jettent des noix et des amandes aux flamants,
Qui parallèlement debout sur une patte,
Parmi les nymphéas aux roses écarlates,
Ne répondent aux gestes fous des sapajous
Qu’en hérissant un peu le duvet de leurs cous...

Mais, au cœur de la nuit, dans les ténèbres glauques,
Un silence de guet, formé d’haleines rauques,
De pas furtifs, de rampements dans les roseaux,
Ecrase lourdement la surface des eaux.
L’ombre est voluptueuse et dangereuse où rôdent
Des yeux de braise jaune à reflets d’émeraude.
Des parfums orageux flottent dans l’air. Parfois,
Un bref rugissement fait tressaillir les bois,
Suivi d’un choc et d’un craquement de vertèbres...
Puis tout s’apaise. On n’entend plus dans les ténèbres
Que le râle d'un faon dont le flanc tiède bat
Et un très doux miaulement, comme d’un chat...