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L'AZUR ET LES LILAS


Le printemps indécis se recueille en silence.
C’est l’heure solennelle où le soleil descend.
Un faisceau de rayons, dardé comme une lance,
Empourpre les rameaux d’une sueur de sang.

Le rouge-gorge errant dans le buisson d’épines
Mêle son cri plaintif au chant du roitelet.
La Terre se souvient des souffrances divines,
Et l’air du Jeudi Saint est comme violet...
 
Pourtant, dans le sous-bois inquiet, une joie,
Timide encor, circule et gonfle les bourgeons ;
Déjà le chèvrefeuille en serpentant déploie
Son rinceau de verdure à travers les buissons.
 
Déjà, perçant l’humus spongieux, l’anémone
Pointe sa feuille frêle et son grelot neigeux,
Et parmi les fourrés çà et là papillonne
Un essaim argenté de chatons duveteux.
 
Par intervalles au loin les palombes roucoulent,
Et la grive chanteuse et le merle siffleur
Et les pinsons légers, qui voltigent en foule,
Ont peine à refréner leur pétulante ardeur.