Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/183

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avancés, menacèrent de perdre le contact. Alors l’armée Nord en fuite s’assit à terre pour se reposer, tandis que le commandant des forces poursuivantes télégraphiait qu’il la tenait en échec et en observation.

Malheureusement il ne s’aperçut pas qu’à cinq kilomètres sur son flanc droit une colonne volante de cavalerie Nord, avec un détachement de Gourkhas et de troupes britanniques, s’avançaient en demi-cercle, aussi vite que le permettait le jour tombant, de façon à couper de ses derrières toute l’armée Sud, à casser, autrement dit, à l’endroit où elles convergeaient, toutes les branches de l’éventail, en s’attaquant au train de réserve, ravitaillements de munitions et d’artillerie. Cavaliers et fantassins avaient l’ordre de foncer, en évitant les quelques éclaireurs qui pourraient n’avoir pas été balayés par la poursuite, et de créer ainsi une émotion suffisante pour inculquer à l’armée Sud qu’avant de s’emparer des villes il sied de garder son flanc et ses derrières. Ce fut une jolie manœuvre, proprement exécutée.

Parlant ici pour la deuxième division de l’armée Sud, le premier indice que nous en eûmes se produisit au crépuscule. L’artillerie peinait alors dans le sable mou, et la majeure partie de l’escorte s’efforçait de la tirer de là, tandis que le gros de l’infanterie avait poussé de l’avant. Toute une arche de Noé d’éléphants, de chameaux, avec la ménagerie bigarrée d’un train des équipages indien brouillonnait à grands cris derrière les canons, lorsque surgit