Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/220

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J’ai goûté les plaisirs de l’armée
En caserne, au camp, à la boîte,
Et j’ai perdu ma prime pendant la satanée balade,
Avec les femmes et la boisson.
Au bout de mon service je suis gros-jean comme devant ;
Si me voilà laissé pour compte,
C’est que mon pire ami du commencement à la fin,
Nom d’un pétard, ç’a été moi !

Refrain
Oh ! ne faites pas attention à ce que disent les filles,
Et ne vous mettez pas à boire ;
Moi j’ai fait l’âne quand elle m’a envoyé paître,
Et c’est pour ça que je suis ici.

— Oui, écoutez notre petit homme maintenant — qui chante et qui crie comme si l’ennui ne l’avait jamais pris ! Vous rappelez-vous quand il est devenu fou du mal du pays ? dit Mulvaney, évoquant ainsi ces jours inoubliables où Ortheris traversa les grandes eaux de l’affliction et se conduisit abominablement. Mais quand même il dit la triste vérité. Eah !

Mon pire ami du commencement à la fin,
Nom d’un pétard, ç’a été moi !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quand je me réveillai je vis Mulvaney, la moustache emperlée de rosée nocturne, et appuyé sur son fusil en sentinelle, solitaire comme Prométhée sur son roc, tandis que je ne sais quels vautours lui déchiraient le foie.