Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/228

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s’imbibant de chaleur et de paresse. À la fin, Learoyd prononça, entre les bouffées de sa pipe :

— Ça semble drôle… je parle de celui là-bas… qu’il ait déserté.

— Il sera encore un fichu coup plus drôle quand je lui aurai fait son affaire, répondit Ortheris.

Ils parlaient en chuchotant, oppressés par la tranquillité du bois et par le désir du meurtre.

— Je ne doute pas qu’il n’ait eu ses raisons de déserter, mais, ma foi, je doute encore moins que n’importe qui ait bonne raison de le tuer, dit Mulvaney.

— Qui sait s’il n’y a pas une histoire de fille là dedans. On fait n’importe quoi pour l’amour des donzelles.

— Elles ont déjà fait s’engager la plupart d’entre nous. Elles n’ont aucune espèce de droit de nous faire déserter.

— Elles nous font nous engager, que tu dis ; oui, elles ou bien leurs pères, dit Learoyd doucement, son casque sur les yeux.

Les sourcils d’Ortheris se contractèrent férocement. Il surveillait la vallée.

— S’il s’agit d’une fille, je le fusillerai deux fois de plus, ce salaud-là, et la seconde fois pour avoir été un imbécile. Te voilà devenu fichtrement sentimental tout d’un coup. C’est parce que tu penses que tu viens de l’échapper belle ?

— Non, mon gars ; je pensais seulement à ce qui m’est arrivé.

— Et ce qui t’est arrivé, fainéant d’enfant de