Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/231

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région-là. C’est par suite d’une petite querelle chez moi que j’y allai, et au début je me liai avec des mauvais garçons. Un soir nous avions bu, et j’avais dû prendre plus que mon compte, ou peut-être la bière n’était pas si bonne que d’habitude. Quoique dans ce temps-là, de par Dieu, je n’ai jamais vu de mauvaise bière. (Il allongea les bras par-dessus sa tête, et attrapa une grosse poignée de violettes blanches.) Non, reprit-il, je n’ai jamais vu de bière que je ne pouvais pas boire, de tabac que je ne pouvais pas fumer, ni de donzelle que je ne pouvais pas embrasser. Eh bien, nous prétendîmes faire la course pour revenir, nous tous. Je perdis les autres et, en voulant escalader un de ces murs construits de pierres sèches, je dégringole dans le fossé, en entraînant les pierres, et je me casse le bras. Non pas que je m’en rendais grand compte alors, car je tombai sur le derrière de la tête et j’en demeurai quasi abruti. Et quand je revins à moi il faisait jour et j’étais couché sur le canapé dans la maison de Jesse Roantrée, et Liza Roantrée était assise à coudre. Je souffrais de partout, et j’avais la bouche sèche comme un four à chaux. Elle me fit boire à une tasse de porcelaine avec des lettres d’or : « Souvenir de Leeds »… comme je l’ai lu maintes fois par la suite. Liza me dit :

« — Il vous faut rester tranquille jusqu’à l’arrivée du docteur Warbottom, parce que vous avez le bras cassé, et père a envoyé un valet le chercher. Il vous a trouvé en allant à son travail, et vous a rapporté ici sur son dos.