Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/239

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Il n’a pas encore mis son col de clergyman ce matin. » Et moi, tout en serrant mes poings dans mes poches, je me disais en moi-même : « Si c’était lundi, et si je n’étais pas membre des méthodistes-primitifs, je vous flanquerais une volée à tous. » C’était le plus dur de tout… de savoir que j’avais la force de me battre et de n’en avoir pas le droit.

Grognements approbateurs de Mulvaney.

— Ainsi donc, tant avec le chant que les offices, et la classe, et la contrebasse, qu’il me faisait prendre entre mes genoux, je passais pas mal de temps dans la maison de Jesse. Mais aussi souvent que j’étais là, le prédicateur m’invitait à y aller plus souvent encore, et tous deux, le vieux et la jeune fille, étaient contents de l’avoir chez eux. Il habitait à Pately Bridge, qui était à une bonne trotte de là, mais il venait. Il venait quand même. D’une façon je l’aimais autant et plus que n’importe qui, et pourtant de l’autre je le détestais de tout mon cœur, et nous nous regardions réciproquement comme chien et chat, mais aussi polis qu’on voudra, car je me conduisais de mon mieux, et il était si franc et honnête que je me voyais forcé d’être honnête aussi avec lui. Ç’aurait été vraiment pour moi un excellent compagnon, si je n’avais eu envie la moitié du temps de lui tordre son malin petit cou. Le plus souvent, quand il s’en allait de chez Jesse, je le mettais un bout sur sa route.

— Tu le reconduisais chez lui, tu veux dire ? fit Ortheris.

— Ouais. C’est une façon que nous avons dans