Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/240

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le Yorkshire de mettre nos amis dehors. Or cet ami-là, je ne voulais pas le laisser revenir, et lui ne voulait pas que je revienne non plus, si bien que nous marchions ensemble du côté de Pately, et puis il me reconduisait à son tour, et il pouvait être deux heures du matin que nous étions encore à nous reconduite l’un l’autre aller et retour comme une fichue paire de pendules entre le mont et la vallée, longtemps après que la lumière s’était éteinte à la fenêtre de Liza, que tous deux nous n’avions cessé de surveiller, en faisant semblant d’examiner la lune.

— Ah ! lança Mulvaney, tu n’avais pas à lutter contre cet enjôleur de chanteur de patenôtres. Neuf fois sur dix, c’est à ces types-là, au lieu de l’amoureux, qu’iront les ris et les grâces, et les femmes ne reconnaissent leur erreur que plus tard.

— Voilà justement ce qui te trompe, reprit Learoyd, rougissant sous le hâle de ses joues couvertes de taches de rousseur. J’arrivais premier avec Liza, et tu pourrais croire que c’était suffisant. Mais le pasteur était un bonhomme obstiné, et Jesse en tenait fort pour lui, et toutes les femmes de la congrégation rabâchaient à Liza qu’elle était bien bonne de se lier ainsi avec un vaurien incapable de rien de bon comme moi, qui n’étais guère respectable et qui traînais un chien batailleur à mes trousses. C’était très bien de sa part de me faire du bien et de sauver mon âme, mais elle devait d’abord songer à ne pas se faire de mal à elle-même. On raconte que des gens riches qu’ils sont rogues et hautains ;