faufila vers une caserne. Il fut pris dans la foule d’une soldatesque en furie, qui se referma sur lui mais ne le tua pas, car il réussit à prendre la fuite et à se mettre à l’abri. Mulcahy en aurait pleuré de joie pure et de reconnaissance. Dans la salle de police les prisonniers eux-mêmes secouaient les barreaux de leurs cellules en hurlant comme des bêtes fauves, et chaque caserne retentissait d’un roulement sonore tel un énorme tambour de guerre.
Mulcahy s’encourut à sa propre caserne. C’était à peine s’il pouvait s’entendre parler. Quatre-vingts hommes martelaient du poing et du talon les tables et les bancs — quatre-vingts hommes en manches de chemise, animés de l’esprit de mutinerie, leurs sacs au dos à demi emballés pour la marche à la mer, battaient à coups redoublés les planches épaisses de cinq centimètres en chantant sur un air que Mulcahy connaissait bien, le chant de guerre sacré des Mavericks :
Écoutez au nord, mes gars, il y a du grabuge dans l’air ;
Galop de chevaux cosaques devant, capotes grises derrière,
Grabuge sur la frontière du genre le plus étonnant,
Grabuge sur les eaux de l’Oxus !
Puis, tandis qu’une table se rompait sous un accompagnement frénétique :
Hurrah ! hurrah ! c’est au nord-ouest que nous allons ;
Hurrah ! hurrah ! la chance que nous désirions tant !
On entendra le refrain d’Amballa à Moscou… ou
Et nous irons toujours marchant jusqu’au Kremlin.