Page:Kipling - Au hasard de la vie, trad. Varlet, 1928.djvu/90

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Deux mois plus tard un coolie poseur de briques fut tué dans une rixe qui eut lieu devant la vigne de Naboth. L’inspecteur de police me dit que le cas était grave ; pénétra dans les quartiers de mes serviteurs ; insulta la femme de mon maître d’hôtel, et prétendit arrêter ce dernier. Détail curieux, au moment du meurtre la plupart des coolies étaient ivres. Naboth me fit ressortir que mon nom était un fort bouclier entre lui et ses ennemis, et il ajouta qu’un autre bébé n’allait pas tarder à lui naître.

Quatre mois plus tard la cabane avait tous ses murs en terre, très solidement bâtis, et Naboth avait employé la plus grande partie de mon bosquet à nourrir ses chèvres. Une montre d’argent à chaîne d’aluminium brillait sur son ventre bien rond. Mes domestiques furent plusieurs fois inquiétamment ivres, et ils perdaient leurs journées avec Naboth quand ils en avaient l’occasion. Je parlai à Naboth. Il me dit que par ma grâce et la splendeur de ma présence il arriverait à faire de toutes ses femmes des grandes dames, et que si quelqu’un insinuait qu’il exerçait un trafic illicite de boisson à l’ombre des tamaris, eh bien, moi son suzerain, je devais poursuivre les calomniateurs.

Une semaine plus tard il loua un homme et lui fit confectionner quelques douzaines de mètres carrés de treillage pour mettre autour du derrière de sa cabane, afin que ses femmes fussent à l’abri des regards publics. L’homme s’en alla dans la soirée, et laissa son ouvrage inachevé épars sur le tronçon de route raccordant la voie publique à ma maison.