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la plus belle histoire du monde

Il parlait de la galère — sa propre galère et il n’en savait rien ! — avec des images empruntées à la Fiancée d’Abydos. Il soulignait les aventures de son héros de citations du Corsaire, et panachait le tout des réflexions morales, profondes et désespérées, tirées de Caïn et de Manfred, assuré que je les emploierais toutes. C’est seulement quand la conversation tombait sur Longfellow que les contre-courants taisaient leur cacophonie, et je savais que Charlie disait la vérité telle qu’il s’en souvenait.

— Que pensez-vous de ceci ? dis-je un soir, aussitôt que je compris le médium où sa mémoire fonctionnait le mieux.

Et, avant qu’il pût s’y opposer, je lui lus presque tout entière la Saga du roi Olaf.

Il écouta bouche bée, du sang au visage, tandis que ses mains battaient du tambour sur le dos du sofa où il était assis, jusqu’à ce que j’arrivasse à la chanson de Einar Tamberskelver et aux vers :