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contes choisis

mes menottes avant que ça se mît à chauffer. Puis, nous nous collons à l’autre navire, et tous leurs combattants sautent par-dessus nos bordages, mon banc se casse et je me trouve cloué par terre, mes trois compagnons sur moi, et la grosse rame prise et coincée sur nos quatre dos, en travers.

— Eh bien ?

Les yeux de Charlie étincelaient. Il regardait le mur derrière ma chaise.

— Je ne sais pas comment on se battit. Les hommes me piétinaient partout le dos et je me faisais petit. Puis, nos rameurs, sur le côté gauche, — attachés aux rames, vous savez, — commencèrent à hurler et à scier pour faire tourner le bateau. Je pouvais entendre l’eau grésiller, nous virions comme un hanneton, et je compris, couché où j’étais, qu’il venait une galère droit sur nous pour nous couler à l’éperon par le flanc gauche. Je pouvais juste assez soulever la tête pour voir sa voile au-dessus du bordage. Nous voulions la recevoir proue à proue,