Page:Kipling - Le Second Livre de la jungle.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
le second livre de la jungle

peu de chance, du coup d’œil, et l’habitude de s’assurer d’un débouché avant de s’engager dans une crique ou un bras mort, on peut faire bien des choses.

— J’ai entendu dire une fois que le Protecteur du Pauvre lui-même s’était trompé, fit le Chacal sournoisement.

— C’est vrai, mais, en cette occasion, mon Destin me servit. C’était avant que j’arrivasse à ma pleine croissance… Il y a de cela plus de trois famines (par la Droite et la Gauche du Gange ! les rivières étaient peuplées, au moins, ces jours-là !). Oui, j’étais jeune, inconsidéré et, lorsque vint l’inondation, personne n’en eut plus de contentement. Il me suffisait alors de peu pour être heureux. Le village était inondé jusqu’aux toits ; je nageais par-dessus le Ghaut et remontais loin dans les terres, aux champs de riz, que recouvrait une couche de bonne vase. Je me souviens aussi d’avoir trouvé une paire de bracelets ce soir-là (ils étaient en verre, et me gênèrent quelque peu). Oui, des bracelets de verre, et si j’ai bonne mémoire, un soulier. J’aurais dû faire choir les deux souliers, mais j’avais faim. J’appris plus tard à mieux faire. Oui. Puis, bien repu, je me reposai ; mais lorsque je m’apprêtai à regagner