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le second livre de la jungle

— Je me souviens un peu de cette chasse. J’étais jeune, alors, dit l’Adjudant, en faisant claquer son bec d’une manière significative.

— J’étais bien établi ici. Mon village venait d’être reconstruit pour la troisième fois, si je me rappelle bien, lorsque mon cousin, le Gavial, m’apporta des nouvelles ; il s’agissait de riches eaux en amont de Bénarès. D’abord je ne voulais pas partir, car mon cousin, qui est un mangeur de poisson, ne sait pas toujours discerner le bon du mauvais ; mais j’en tendis les gens de mon peuple causer le soir, et ce qu’ils dirent me confirma la chose.

— Et que dirent-ils ? demanda le Chacal.

— Ils en dirent assez long pour me faire, moi, le Mugger de Mugger Ghaut, quitter l’eau et m’en aller à pied. Je partis la nuit, utilisant les plus petits courants à l’occasion ; mais c’était au début des chaleurs, et toutes les eaux étaient fort basses. Je coupai des routes poudreuses, je traversai de hautes herbes, je grimpai des côtes au clair de lune. Je dus même escalader des rochers, mes enfants… pensez-y ! Je franchis la pointe du Sirhind, qui est sans eau, avant de tomber sur le tas de petites rivières qui se déversent dans le Gange. Je me trouvais à un mois d’éloignement de mon peuple et de