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le second livre de la jungle

cendent vers la mer libre, et des galets polis et des rochers veinés se lèvent au-dessus de la neige granulée. Mais tout cela passe en quelques semaines ; bientôt le sauvage hiver revient verrouiller la terre, tandis qu’en mer les glaces se ruent dans les courants contrariés du large, se bloquent, se choquent, se rognent, se cognent, se broient et s’échouent jusqu’à ce que tout gèle d’une pièce, sur dix pieds d’épaisseur, du rivage à l’eau profonde.

En hiver Kadlu suivait les phoques jusqu’au bord de la banquise, et les harponnait lorsqu’ils montaient pour respirer à leurs trous d’air. Le phoque a besoin d’eau libre pour y vivre et y prendre du poisson ; or, la glace s’avançait parfois sans une brèche à quatre-vingts milles de la terre la plus proche. Au printemps ils abandonnaient, lui et les siens, la glace fondante pour les rochers de la côte, où ils dressaient des tentes de peaux et prenaient des oiseaux de mer au piège, ou bien harponnaient les jeunes phoques qui se chauffaient sur les grèves. Plus tard ils descendaient vers le sud, dans la terre de Baffin, chasser le renne et faire leur provision annuelle de saumon aux centaines de cours d’eau et de lacs de l’intérieur ; et ils revenaient au nord en septembre ou octobre,