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le second livre de la jungle

broussailles crépitantes, jusqu’au bord de la rivière, jusqu’à la dentelle de sable qui la festonnait dans tous les sens.

— L’eau ne peut durer longtemps, — dit Baloo en les rejoignant. Regardez de l’autre côté ! Les traces ressemblent maintenant aux routes des Hommes.

Sur la plaine unie du bord opposé, l’herbe de jungle, drue, était morte debout, et, en mourant, s’était momifiée. Les pistes battues du cerf et du sanglier, toutes convergeant à la rivière, avaient rayé cette plaine décolorée de ravins poudreux tracés à travers une herbe de dix pieds de haut, et, à cette heure matinale, chacune de ces longues avenues s’emplissait de premiers arrivants qui se hâtaient vers l’eau. On pouvait entendre les biches et leurs faons tousser dans la poussière comme dans du tabac à priser.

En amont, au coude d’eau paresseuse autour du Roc de la Paix, se tenait le Gardien de la Trêve, Hathi, l’éléphant sauvage, avec ses fils, décharnés et tout gris dans le clair de lune, se balançant de ci, de là, sans cesse. Un peu au-dessous de lui, on voyait l’avant-garde des cerfs et, au-dessous encore, le sanglier et le buffle sauvage. Sur la