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Page:Kipling - Le Second Livre de la jungle.djvu/28

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comment vint la crainte

rive opposée, où les grands arbres descendaient jusqu’au bord de l’eau, était la place réservée aux Mangeurs de chair : le tigre, les loups, la panthère l’ours et les autres.

— Nous voilà, pour le coup, sous le joug d’une seule Loi — dit Bagheera.

Ce disant, elle marchait dans l’eau et promenait son regard sur les lignes de cornes cliquetantes et d’yeux effarés où le cerf et le sanglier se poussaient de côté et d’autre. Et, se couchant tout de son long, un flanc hors de l’eau, elle ajouta :

— Bonne chasse, vous tous de mon sang !

Puis, entre ses dents :

— N’était la Loi, cela ferait une très… très bonne chasse.

Les oreilles vite dressées des cerfs saisirent, la fin de la phrase, et un murmure de frayeur courut le long de leurs rangs.

— La Trêve !… Rappelez-vous la Trêve !

— Paix là… paix ! — gargouilla Hathi, l’éléphant sauvage. La Trêve est déclarée, Bagheera, Ce n’est pas le moment de parler de chasse.

— Oui le saurait mieux que moi ? — répondit Bagheera en roulant ses yeux jaunes vers l’amont. Je suis une mangeuse de tortues… une pêcheuse