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le second livre de la jungle

mais elle se rapprochait à chaque instant, et ils pouvaient entendre très loin, du côté de la terre, un sourd grondement, pareil à celui d’une artillerie au fond d’un brouillard. Cela signifiait que la banquise refoulée s’écrasait contre les falaises d’acier de l’île de Bylot, la terre là-bas, au sud, derrière eux.

— Pareille chose ne s’est jamais produite, — dit Kotuko, en ouvrant les yeux de stupeur. — Ce n’est pas l’époque. Comment la banquise peut-elle céder maintenant ?

— Suis cela ! cria la jeune fille, en désignant de la main la Chose qui, moitié boitant, moitié courant, fuyait, affolée, devant eux.

Ils suivirent en halant le traîneau à main tandis que de proche en proche gagnait l’assaut des glaces mugissantes. À la fin les champs qui les entouraient se mirent à craquer et s’étoiler dans tous les sens, les crevasses à s’ouvrir et se refermer comme des mâchoires de loups. Mais à l’endroit où la Chose se tenait, sur une éminence formée de vieux blocs de glace épars, et haute d’une cinquantaine de pieds, il ne se produisait aucun mouvement. Kotuko bondit impétueusement de l’avant, tirant la jeune fille derrière lui, et rampa