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Page:Kipling - Le Second Livre de la jungle.djvu/73

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le second livre de la jungle

Purun Bhagat les appelait tous « mes frères », et son doux appel de Bhai ! Bhai ! les attirait hors de la forêt, en plein jour, lorsqu’ils se trouvaient à portée de la voix. L’ours noir de l’Himalaya, bourru et soupçonneux — Sona, qui porte sous le menton une marque blanche en forme de V — passa par là plus d’une fois ; et, comme le Bhagut ne montrait pas de crainte, Sona ne montra pas de colère, mais l’observa, tout en se rapprochant, et finit par demander sa part de caresses et un tribut de pain ou de baies sauvages. Souvent, lorsque, dans la paix de l’aube, le Bhagat montait jusqu’à la crête dentelée de la passe, afin de contempler et de suivre le matin pourpre en marche le long des pics neigeux, il apercevait Sona trottant et grognant sur ses talons, fourrant une patte curieuse sous les troncs d’arbres abattus, et la retirant avec un whoof d’impatience ; ou bien ses courses matinales éveillaient Sona roulé en boule sur le sol, et la puissante brute, dressée tout debout, se préparait à combattre, jusqu’à ce qu’elle entendît la voix du Bhagat et reconnût son meilleur ami.

Presque tous les ermites et les saints hommes, qui vivent loin des grands centres, ont la réputation de pouvoir accomplir des miracles parmi les bêtes