Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/180

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Écoute maintenant, toi qui partages le chagrin de mon cœur, et je te conterai la chasse. Je le suivis de Pubbi à Peshawer, et à Peshawer j’allai çà et là par les rues comme un chien sans gîte, cherchant mon ennemi. Une fois je crus le voir qui se lavait la bouche dans la fontaine de la grande place, mais il disparut à mon approche. Il se peut que ce fût lui, et que, voyant mon visage, il ait pris la fuite.

Une fille du bazar me dit qu’il allait se rendre à Nowshera. Je lui dis :

— Ô cœur des cœurs, est-ce que Daoud Shah vient chez toi ?

Et elle me dit :

— En effet.

Je dis :

— J’aimerais bien le voir, car nous sommes des amis séparés depuis deux ans. Cache-moi, je te prie, ici dans l’ombre du volet de la fenêtre, et j’attendrai sa venue.

Et la fille dit :

— Ô Pathan, regarde-moi dans les yeux !

Et je me détournai, appuyé sur son sein, et la regardai dans les yeux, jurant que je lui disais la vérité comme à Dieu même. Mais elle me répondit :

— Jamais un ami n’a attendu son ami avec ces yeux-là. Qu’on mente à Dieu et au Prophète, soit, mais à une femme on ne peut mentir. Va-t’en d’ici !