Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/181

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Il n’arrivera pas de mal à Daoud Shah par ma faute.

Sans la crainte de votre police j’aurais étranglé cette fille ; et ainsi la chasse serait venue à néant. Donc je ne fis que rire et m’en allai dans la nuit, et elle s’accouda sur l’appui de la fenêtre, et jusqu’au bout de la rue je l’entendis se moquer de moi. Elle se nommait Jamun. Quand j’aurai réglé mon compte avec l’homme je m’en retournerai à Peshawer et sa beauté n’inspirera plus de désirs à ses amants. Elle ne sera plus Jamun, mais Ak, la boiteuse parmi les arbres. Ho ! ho ! Ak elle sera !

À Peshawer j’achetai les chevaux et les raisins et les amandes et les fruits secs destinés à justifier mes vagabondages vis-à-vis du gouvernement, et à m’éviter des désagréments sur ma route. Mais quand j’arrivai à Nowshera il était déjà parti, et je ne sus plus où aller. Je restai un jour à Nowshera, et dans la nuit, comme je dormais au milieu des chevaux, une voix parla à mes oreilles. Toute la nuit elle voltigea autour de ma tête sans cesser de murmurer. J’étais sur mon ventre, dormant comme dorment les démons, et il se peut que la voix fût celle d’un démon. Elle disait :

— Va-t’en au sud, et tu trouveras Daoud Shah.

Écoute, ô mon frère et le meilleur de mes amis… écoute ! Est-ce que mon histoire est longue ? Pense