Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/29

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dire. Je sais seulement qu’à l’heure du souper, je trouvai Mulvaney installé sur le toit de ma voiture, en compagnie du soldat Ortheris, des deux tiers d’un jambon, d’une miche de pain, d’une moitié de foie gras et de deux bouteilles de champagne. Comme je m’approchais je l’entendis qui disait :

— Heureux que les bals soient moins fréquents que les revues de chambrée, ou sinon, par cric et par croc, Ortheris mon gars, je serais la honte du régiment au lieu d’être le plus beau fleuron de sa couronne.

— Et aussi le fléau particulier du colonel, fit Ortheris. Mais qu’est-ce qui te fait maudire ton sort ? Ce pétillant-ci est d’assez bonne drogue.

— De la drogue, espèce de païen pas civilisé ! C’est du champagne que nous buvons là. Ce n’est pas ça qui me dérange. C’est ce machin cubique avec des petits bouts de cuir noir dedans. J’ai bien peur que ça me rende fichtrement malade demain. Qu’est-ce que c’est ?

— Du foie d’oie, dis-je, en grimpant sur le toit de la voiture, car j’estimais plus profitable de rester dehors à causer avec Ortheris que d’aller danser bien des danses.

— Ah ! c’est du foie d’oie ? fit Mulvaney. Vrai, je pense que celui qui l’a fabriqué s’enrichirait à tailler dans le colonel. Quand les jours sont chauds et les