Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/30

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nuits froides il porte sous son bras droit un foie énorme. Il fournirait des tonnes et des tonnes de foie. C’est lui-même qui le dit : « Je suis tout foie aujourd’hui », qu’il dit ; et là-dessus il me flanque dix jours de boîte, à cause de la boisson la plus inoffensive que jamais bon soldat se soit mise dans le bec.

— C’est quand notre ami a prétendu se baigner dans le fossé du fort, m’expliqua Ortheris. Il disait qu’il y avait trop de bière pour un homme de bien dans les lavabos de la caserne. Tu as eu de la chance de t’en tirer avec ce que tu as attrapé, Mulvaney.

— Que tu dis ! Mais moi je suis persuadé que le colonel m’a traité fort durement, vu ce que j’ai fait pour des gens comme lui, à une époque où j’ouvrais l’œil beaucoup plus que maintenant. Vingt dieux ! voir le colonel me flanquer au clou de cette manière ! Moi qui ai sauvé la réputation d’un homme qui le valait dix fois ! C’est abominable… et ça révèle une grande scélératesse !

— Abominable ou non, peu importe, dis-je. De qui avez-vous sauvé la réputation ?

— Il est bien regrettable que ce ne fût pas la mienne, mais je me suis donné plus de mal que si ce l’eût été. Ça me ressemblait bien, d’aller me mêler de ce qui ne me regardait pas. Enfin, écoutez !