Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/49

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— Est-ce que vous me raconterez l’histoire de votre combat avec le fantôme, si je vous la rends ? dis-je.

— C’est l’histoire qui vous inquiète ? Bien sûr que je vous la raconterai. Ç’a toujours été mon intention. Mais j’y arrivais à ma manière, comme disait Popp Doggle quand on l’a trouvé en train d’essayer d’introduire la gargousse par la gueule du canon. Ortheris, je lâche tout !

Il laissa aller le petit Londonien, reprit sa pipe, la bourra, et ses yeux pétillèrent. Je ne connais personne qui ait des yeux plus éloquents.

— Vous ai-je jamais dit, commença-t-il, que j’étais jadis un diable d’homme ?

— Tu nous l’a dit, prononça Learoyd avec une gravité puérile qui fit éclater de rire Ortheris, car Mulvaney était sans cesse à nous rabâcher ses hauts mérites de jadis.

— Vous ai-je jamais dit, continua imperturbablement Mulvaney, que j’étais autrefois plus diable encore que je ne le suis maintenant ?

— Sainte Vierge ! ce n’est pas possible ? fit Ortheris.

— Quand j’étais caporal… on m’a cassé par la suite… mais, je le répète, quand j’étais caporal, j’étais un diable d’homme.

Il resta silencieux près d’une minute, l’œil étince-