Page:Kipling - Trois Troupiers et autres histoires, trad. Varlet, 1926.djvu/48

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critique, mais tu n’as combattu qu’avec des hommes, et c’est là un fait quotidien ; mais moi j’ai résisté à un fantôme, et ça, ce n’était pas un fait quotidien.

— Non ? dit Ortheris, en lui lançant un bouchon. Tu me donneras l’adresse de la maison… avec tes faits. Est-elle plus grande que l’ordinaire ?

— C’est la vérité vraie ! répondit Mulvaney, en allongeant un bras démesuré et attrapant Ortheris par le collet. Qu’en dis-tu à présent, mon gars ? Une autre fois, en croiras-tu la parole du Seigneur qui sort de ma bouche ?

Et il le secoua pour appuyer sa question.

— Eh bien non, ça n’est pas sûr, dit Ortheris qui d’un geste subtil attrapa au vol la pipe de Mulvaney et la tint à bout de bras. Si tu ne me lâches pas je la flanque dans le fossé.

— Brigand de païen ! C’est la seule bouffarde à laquelle j’aie jamais tenu. Ne la brutalise pas, ou c’est toi que je flanque dans le fossé. Si cette pipe venait à casser… Oh ! rendez-la-moi, monsieur !

Ortheris m’avait remis en main le trésor. C’était une pipe en terre d’un culottage absolument parfait, aussi brillante que la bille noire de « poule<ref><Au billard./ref> ». Je la pris avec respect, mais je tins bon.