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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/174

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le chien d’or

chasse les perturbateurs et rétablisse la paix dans nos rues.

Plusieurs officiers se levèrent.

— Veuillez vous asseoir, messieurs, pria le gouverneur ; le conseil ne doit pas s’ajourner maintenant. L’Intendant sera certainement ici dans quelques minutes, et nous saurons la cause de ce désordre. Ce n’est rien, j’en suis sûr : quelques habitants tapageurs, qui auront fait une petite escapade.

Le bruit recommença soudain, et de la salle du conseil l’on entendit distinctement les clameurs.

De La Corne St. Luc dit avec ironie :

— C’est le peuple qui acclame l’Intendant. Morbleu ! Quel vacarme ! Voilà ce que c’est que d’être populaire à Québec !

Ce sarcasme fit rire. Quelques amis de l’Intendant en furent choqués cependant.

— Le chevalier de La Corne tient un langage assez hardi, quand l’Intendant n’est pas là, observa le colonel Lebœuf. Un gentilhomme donnerait plus volontiers un louis d’or, pour un fouet avec lequel il pourrait flageller la canaille, qu’un sou pour ses applaudissements. Je ne paierais pas un hareng saur l’estime de tout Québec.

De La Corne St. Luc riposta d’un ton méprisant :

— On dit en France, colonel, que le son du roi est meilleur que le blé du peuple, et que le poisson qui s’offre sur le marché, ne vaut pas le poisson qui est dans l’eau. C’est aussi ce que je pense, moi, et je prouverai que c’est vrai, à quiconque soutiendra le contraire.

Il y eut un éclat de rire. De La Corne faisait allusion à la marquise de Pompadour, dont le nom primitif était Jeanne Poisson. Ce nom avait donné lieu à bien des plaisanteries, à bien des sarcasmes, chez les grands comme chez les petits.

Tout violent qu’il fut, le colonel Lebœuf n’osa pas se quereller avec de La Corne St. Luc. Il s’assit, dissimulant sa colère sous un air boudeur. Il aurait bien voulu sortir et voler au secours de l’Intendant,