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le chien d’or

magasins du roi ! Il ressemblait à un juge qui interroge un accusé, et non pas à un gouverneur qui demande des renseignements à un officier du roi.

— Vous avez raison, Cadet, affirma Varin, ce lâche flatteur, qui fit un honteux sacrifice d’honneur au duc de Choiseul, pour sauver sa fortune mal acquise. Nous avons tous des injures à venger ! L’Intendant vient de nous montrer la boue que la populace lui a jetée. Eh bien ! je lui demande s’il s’est plaint au conseil de guerre, et quelle satisfaction exigera le conseil.

Cadet jeta un éclat de rire.

— Le conseil ? Pouah !… C’est Bigot, lui-même, qui l’exigera la satisfaction ! Et nous l’aiderons, nous !

Mais j’affirme, moi, qu’il n’y a que le poil du chien qui l’a mordu qui puisse guérir sa morsure ! Ce qui m’a fait le plus rire ce matin, à Beaumanoir, ça été de voir, avec quel sans gêne, le petit du Chien d’Or, Philibert le jeune, est venu enlever à la grande compagnie Le Gardeur son nouveau membre.

— Nous allons perdre notre néophyte, Cadet ; j’ai été bien fou de le laisser s’en aller avec Philibert, observa Bigot.

— Bah ! je ne crains pas cela. Nous le tenons par une triple corde, une corde filée par satan ! N’ayez pas peur !

Cadet riait : il était de joyeuse humeur.

— Que voulez-vous dire, Cadet ? quelle est cette triple corde ? demanda l’Intendant.

Et il vida sa coupe d’une façon nonchalante, comme s’il n’eut attaché aucune importance à la réponse de son ami.

— Son amour du vin ! son amour du jeu ! son amour des femmes !… Ou plutôt sa passion pour une femme ; c’est toujours la chaîne qui lie le plus fortement les jeunes fous comme lui, qui pourchassent la vertu et n’attrapent que le vice.

— Ah ! il est épris ! et de qui, s’il vous plaît ? Quand une femme vous prend à ses appas, c’en est fait ; votre destin se fixe. Vous êtes à jamais sauvé…