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Page:Kirby - Le chien d'or, tome I, trad LeMay, 1884.djvu/460

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le chien d’or

— Parce qu’il est le premier qui m’ait aimée, et que je n’oublie jamais un véritable ami.

Elle prit un ton singulièrement attendri pour dire cela.

De Péan lui répliqua avec une vivacité qu’il croyait séduisante :

— Il ne sera toujours pas le dernier ! Vous le savez ? dans le royaume de l’amour comme dans le royaume des cieux, les premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers.

Puisse-je être le dernier, mademoiselle !

— Vous le serez, je vous le promets, de Péan, fit-elle avec un éclat de rire.

Bigot l’observait. Elle s’en aperçut : c’est ce qu’elle voulait. Elle commençait à trouver qu’il la négligeait un peu, cependant, et qu’il s’amusait bien dans la compagnie de Cadet.

— Merci, mademoiselle, mais j’envie tout de même la place de Le Gardeur, répondit de Péan, qui ne savait pas trop comment interpréter cet éclat de rire.

Angélique venait de faire tomber la menteuse espérance qui miroitait aux yeux de de Péan. Le renard de la fable, en décidant, par ses flatteries, le corbeau à chanter, n’avait pas mieux réussi à faire tomber le morceau de fromage qu’il tenait dans son bec.

— Dites-moi donc, de Péan, reprit-elle, est-ce vrai que Le Gardeur trouve des consolations avec sa cousine Héloïse de Lotbinière, dans les forêts de Tilly ?

De Péan eut sa revanche.

— C’est vrai, mademoiselle, répondit-il, et rien d’étonnant en cela, puisque Héloïse de Lotbinière est sans exception la plus aimable demoiselle de la Nouvelle-France, si elle n’en est la plus belle.

— Sans exception ! répéta Angélique d’un air dédaigneux. Les femmes, dans tous les cas, n’en croiront rien, chevalier. Moi pour une, je ne le pense pas, et vous, quelle est votre opinion ? ajouta-t-elle en riant.