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le chien d’or

— Faute d’un notaire ?

— Oui, votre honneur ! Il est évident que notre premier père a perdu son droit de usis et fructibus, dans l’Éden, tout simplement parce qu’il n’a pas pu avoir un notaire pour rédiger un contrat inattaquable. Comment ! il ne possédait pas même par un bail à chaptel, les animaux qu’il avait choisis et nommés ?

Le colonel reprit en riant :

— Je pensais qu’Adam avait perdu son bien par la faute de quelqu’artificieux notaire, plutôt. Ce notaire aurait suggéré à la femme d’interpréter le contrat à sa façon, sachant bien qu’Adam ne trouverait pas un autre notaire pour défendre ses titres.

— Hum ! c’est possible ; j’ai lu quelque part, en effet, que jugement avait été rendu par défaut. Ce serait différent aujourd’hui. Il y a dans la Nouvelle comme dans la Vieille France, des notaires capables d’enfoncer Lucifer lui-même dans une lutte pour une âme, un corps ou un bien fonds… Mais, tiens ! nous voilà sortis de la forêt.

III.

Les voyageurs avaient devant eux un large plateau garni de massifs d’arbres et dominé par une montagne escarpée. Un ruisseau, sur lequel on avait jeté un pont rustique, promenait ses ondes d’argent. Au milieu des jardins superbes et des bouquets d’arbres séculaires, s’élevait le château de Beaumanoir, avec son toit à pic, ses hautes cheminées et ses girouettes dorées qui rayonnaient au soleil.

Le château était une lourde construction en pierre, à pignons et à toit élevés, dans le style du dernier siècle, assez forte pour soutenir une attaque, assez élégante pour servir de demeure à un Intendant royal de la Nouvelle-France. Il avait été construit quelque quatre-vingts ans auparavant, par l’intendant Jean Talon, qui s’y retirait en si-