Aller au contenu

Page:Kirby - Le chien d'or, tome II, trad LeMay, 1884.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
le chien d’or

mort de sa femme, et pour honorer la mémoire de cette regrettée compagne, il redoublait ses bonnes œuvres. Il disait en riant qu’il fallait, à part ses douze apôtres — ses douze pauvres — recevoir aussi les soixante et dix disciples.

Le matin où nous sommes, il fit sa toilette pour sortir, prit sa canne à pommeau d’or et descendit l’escalier.

Dame Rochelle vint au devant de lui, dans le grand passage. Elle paraissait tout anxieuse.

— Maître ! dit-elle, n’allez donc pas au marché, aujourd’hui ! j’en arrive moi-même et j’ai tout prévu pour la journée.

— Je vous suis bien reconnaissante, dame Rochelle. Mais vous savez que je suis attendu ; c’est un de mes meilleurs jours. Qui remplira les paniers de tous ces malheureux qui n’osent pas mendier de porte en porte ?… Il faut que je fasse ma tournée, dame Rochelle !

— Pour une fois, je vous en supplie, écoutez-moi, ne sortez pas ; je redoute un malheur !

III.

Le bourgeois connaissait assez la bonne dame pour être sûr qu’elle n’insistait pas ainsi sans motifs.

— Pourquoi donc, demanda-t-il, voulez-vous m’empêcher de sortir ?

— Pour une excellente raison, maître ! mais une raison dont vous allez vous moquer. Il y a quelque chose de menaçant dans l’air… ! Les amis de l’Intendant veulent chasser les honnêtes gens de la place du marché. Je les ai entendus ! Il va y avoir du tumulte. C’est une première raison. Une autre, c’est que je pressens un malheur sur votre maison.

— Merci ! excellente dame ; merci de votre sollicitude ! Mais je trouve, dans vos craintes, une raison de plus pour sortir. Ne faut-il pas que j’essaie d’empêcher toute querelle entre mes concitoyens ?

— Ah ! vous n’avez pas entendu ce que j’ai enten-