Page:Kleist - Kotzebue - Lessing - Trois comedies allemandes.djvu/38

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les autres avec son bâton, et non pas ce vaurien-là qui ira au contraire tendre son dos à la bastonnade. Aujourd’hui même il y aura fiançailles, il y aura mariage, et quand il y aurait baptême aujourd’hui même, je n’en serais que plus contente, et je consens à ce qu’on me mette en terre pourvu que j’aie d’abord fait descendre de ses ergots ce vaniteux qui s’est dressé jusqu’à ma cruche.

Ève.

Mère, laisse la cruche, je t’en prie. Ou permets-moi de chercher à la ville un habile ouvrier qui pourra en rassembler les morceaux. Et si c’en est fait d’elle, prends toute ma tirelire et achètes-en une neuve. Qui voudrait donc pour une cruche de terre, daterait-elle du temps d’Hérode, susciter disputes et malheurs !

Dame Marthe.

Tu ne peux parler que de ce que tu comprends. Veux-tu donc, ma petite Ève, porter le carcan et, dimanche prochain, aller contritement à l’église pour faire pénitence ? Ta bonne renommée était attachée à cette cruche et a été détruite avec elle aux yeux du monde, quand même elle reste intacte devant Dieu, et toi, et moi. C’est le juge qui est mon ouvrier ; c’est le sergent, le billot, les étrivières qu’il nous faut ! Au bûcher la canaille, s’il est besoin du feu pour blanchir notre honneur et rendre à la cruche son vernis !




Scène VII


ADAM, en tenue de juge mais sans perruque ; Les Précédents.
Adam, à part.

Tiens, tiens ! la petite Ève ! Eh quoi ! cette brute de Ruprecht aussi ! Et, par le diable, toute la séquelle ! Ils ne vont pourtant pas venir m’accuser devant moi-même ?